lundi, septembre 11, 2006

Retour sur une catastrophe - Les Ait Khebbach sous l’eau

Retour sur une catastrophe
Les Ait Khebbach sous l’eau

Moha Arehal

in Le Monde Amazigh Sept 2006


La ou le silence parle

La région de Merzouga est située au pied du majestueux grand Erg Chebbi sur les frontières maroco-algériens au sud est du Maroc. Cette région est connue par ces paysages mythiques constitués d’une alternance de regs, de dunes et d’oasis. Chaque année plusieurs milliers de touristes font le déplacement des quatre coins de la planète et des quatre coins du pays pour apprécier les divers paysages et ou pour prendre des thérapies sableuses contre diverses maladies.

Cette région, qui était dans le passé une terre interdite sous le contrôle des tribus Ait Khebbach fraction des Ait Atta, seigneurs du Sud Est, Jadis, est devenue une terre de tout le monde, une terre d’accueil et de rencontres exemplaires entre diverses nationalités et diverses religions.

Sur 13 km de sable implanté sous forme de dunes et de silhouettes, marié avec des oasis sauvages ou habitées, une centaine de gîtes, d’auberges et de maisons d’hôtes ont été construits pour assurer le minimum de confort pour les amoureux du silence qui parle, de la musique du frottement des grains de sable sous la force du vent. Déjà des siècles et les dunes ne changent de place. Toujours claires et de merveilleuses couleurs les dunes souhaitent la bienvenue à tous les arrivants.

Déjà, avant la construction de la route qui lie Rissani à Taous sur une dizaine de km, les pistes créées par les véhicules tout terrain offrent un paysage extraterrestre avant d’arriver aux dunes d’or de Merzouga. La légende des Ismkhan* raconte qu’elles sont formées suite au mécontentement du Dieu. En effet, les Ismkhan ont organisé un Agdud (festival), après le dîner, les participants sous l’effet de la transe se sont mis à jouer avec les grains du couscous ce qui n’a pas plu à Dieu. Pour les punir, Dieu envoya une tempête très forte qui a couvert tous les participants par le même couscous avec qui ils jouaient. Jusqu’à nos jours il existe des gens qui croient encore que les noirs couverts de couscous que dieu a changé en grain de sable continue à jouer avec leurs tambours et castagnettes sous la grande dune de Lalla L’aliya.

Tous ces atouts en particulier la géographie, la géomorphologie, l’histoire et la médecine traditionnelle ont fait de cette zone une des plus visités par les touristes marocaines et autres.

Le développement du tourisme aux pieds de l’Erg Chebbi a vu naître plusieurs dizaines de gîtes, d’auberges, de petits hôtels et de maisons d’hôtes. Plusieurs amateurs des superbes paysages du désert et la sympathie exemplaire des habitants de cet espace mystiques se sont installés définitivement dans cette aire, d’autres parmi eux ont investi dans des hôtels ou des gîtes.

Et le ciel décida ainsi !!

En mai dernier, alors que la région se préparait pour accueillir les milliers de pèlerins d’été comme d’habitude à partir de la fin du printemps, des pluies torrentielles se sont battues sur la région. En un temps record, le niveau des précipitations a dépassé les 100 mm en une heure. Cette quantité dépassent la moyenne des précipitations annuelles de la région qui ne dépassent guère les 200 mm en une année normale.

L’intensité de ces pluies diluviennes dans un petit laps de temps a fais que les courts d’eau ont commencé à ruisseler rapidement sans laisser de chance au sol pour s’égorger en eau étant déjà sa composition caractérisée par la dominance des sables. Les eaux ont envahi rapidement la plaine en un temps record les eaux ont couvert la chaussé et ont atteint plusieurs maisons.

Plusieurs dizaines de maisons et de gîtes n’ont pas pu résister devant la montée des eaux. Les habitants et les touristes se sont trouvés en plein nuit face à la montée des eaux. Devant la catastrophe chacun a essayé de sauver sa peau comme il a pu. En définitive, les pertes humaines n’ont concerné que trois morts et quelques blessés pas graves, selon des sources officielles. Les pertes matérielles ont été très importantes. Plusieurs maisons ont été détruites définitivement et leurs propriétaires sont devenus des SDF dans une zone ou personne ne l’est malgré le passé nomade de ces populations et leurs revenus minimes, chaque habitant procède sa propre maison.


Et après.....?

Ca fait déjà plusieurs semaines que la région de Merzouga a été victime de pluies torrentielles et des inondations du jamais vu depuis plus d'un demi-sièclee et encore des maisons en ruines et des habitants encore dans des tentes de fortune.Je n'avais pas imaginé cette situation, les images que j'ai vues auparavant, sur Internet, étaient moins parlantes que ma visite dans la région en Août dernier à Hassi Labiad, à Merzouga ou à Lkhamliya. Le climat est encore tendu, les victimes n'ont que des insultes et des prières pour désigner ce qu'ils ont vécu et ce qu'ils vivent actuellement.
Sur la route pour assister au festival des Gnaoua de Lkhamlia, j'ai passé par des paysages hallucinant, comme si des avions F16 avaient bombardé cette région. Les effets des inondations de mai dernier sont encore présentes sur toute la route qui relie Merzouga à Lkhamlia ou se tient le Agdud n Ismkhan. Les images ne laissent plus personne neutre.
A voir ces résultats et le rien-fait depuis déjà plusieurs semaines et à comparer par les réactions des gens au sujet de la guerre isarélo-libanaise et Israélo-palestinienne, je me sens encore plus mal dans ma peau de marocain. Les gens ont du cœur pour solidariser avec les Palestiniens mais aucun mot sur des gens qui s'hébergent dans des tentes de fortune de couleur jaune comme le sable qui les entoure sous une température dépassant les 45°c à l'ombre.
La schizophrénie de mes concitoyens me laisse embarrassé. S’il est légitime d'avoir des sentiments de solidarité avec les autres peuples qui souffrent soit de la guerre ou des catastrophes naturelles ou autres, alors que dirons-nous de solidariser avec les nôtres qui vivent dans l'enfer depuis le début de l'été.
Un dernier mot: sauver cette région devient vraiment une nécessité.

A bon entendeur

* Ismkhan= une tribu de noirs habitant actuellement dans la localité de Lkhamlia et qui organisent chaque année en mois d’août un festival (Agdud)

Aucun commentaire: