mercredi, septembre 20, 2006

VARIATION LEXICALE ET NEOLOGISME DANS L’AMAZIGHE

VARIATION LEXICALE ET NEOLOGISME DANS L’AMAZIGHE
L’APPORT DES ASSOCIATIONS.

Le propos : la présente intervention, étant labeur d’une expérience personnelle au sein de deux cadres associatifs (1), représente le fruit d’un parcours sociolinguistique. Elle relève d’un point de vue extra cadre officiel .Elle pote sur l’apport des associations en matière de lexicographie dans le domaine amazighe .Tout au long de cet exposé, nous tenterons de répondre aux questions suivantes : Comment se sont développées les expériences néologiques ? Quel est l’impact de l’action associative sur ce développement ? Nous terminerons par une approche lexicographique à des corpus échantillons du lexique spécialisé. .

LES ASSOCIATIONS AMAZIGHES : LE PROFIL SOCIOLINGUISTIQUE.

Dans leur rapport à la langue, les associations amazighes se présentent comme des laboratoires sociolinguistiques. Dans son article, Gabi Kratchwil écrit : « les associations, par leurs activités et leurs productions, sont un intermédiaire très important entre ce que nous pourrions appeler le discours intellectuel et universitaire et la population càd imazighen » (2).
Cette citation souligne, explicitement, le rôle médiateur et vulgarisateur des associations. Elles assurent la mission d’information et de formation , ceci , en s’intéressant à la dynamique linguistique de l’amazighe, tel qu’il se manifeste au sein de la mouvance sociale .Un peu plus loin , dans la même référence , l’auteur ajoute encore : « les associations accomplissent un travail culturel fondamental qui complète le discours universitaire en rassemblant et fixant par écrit des poèmes , des chansons et des contes pour les transmettre à la postérité, et elles proposent aussi des cours de langue pour enseigner aux jeunes , actuellement , fortement arabisés . »(3).Alors , trop vaste donc , est le programme des activités associatives : la collecte des textes littéraires oraux , le passage à l’écrit , la recherche scientifique , le rayonnement culturel et l’élaboration des méthodes d’enseignement/apprentissage de l’amazighe au profit des adhérents .Autant d’approches , portant sur les diverses aspects de la langue , pour revivifier et revaloriser la langue , car , l’action associative se veut , primordialement , une intervention sur la langue .

VARIATIONS LEXICALES ET PRODUCTION LEXICOGRAPHIQUE.

Il n’y a pas mieux, de précis et de concis, pour expliquer la variation, que ce petit extrait tiré du papier d’appel à contribution : (la variation…est la possibilité de dire la même chose de différente manière). L’usage variable de la langue amazighe illustre à merveille cette définition. Pour citer un exemple, au mot ENFANTS correspondant en amazighe : ARRAW, LWACUN, IEYYALN, LFERGASEN, IHENJRN, IFRAX. (4) Cette série des équivalents laisse comprendre la richesse et la variabilité lexicales que constituent les trois variantes de l’amazighe. Mais, pour rendre compte de l’aspect technique et moderne de la vie, l’amazighe fait montre d’un état lacunaire. Devant ce constat, la volonté pour enrichir lexico- graphiquement l’amazighe s’impose et prédomine au sein des activités associatives. D’où le nombre imposant des travaux réalisés à ce propos. D’abord, La communication intense via les canaux associatifs, à tendances panamazighistes, qui était derrière les apparussions massives des néologisme. A commencer par les noms de ces mêmes associations, nous retenons :
TUDERT = la vie // IZURRAN = racines // TIDDUKLA = l’amitié// TAWIZA = l’entraide // TANUKRA = renaissance// TILLILI = liberté// ASIREM = l’espoir // ANARUZ = l’espérance. Cette illustration se présente en deux groupes de formes lexicales. Les quatre premiers noms sont des lexèmes, préexistant dans l’amazighe, en usage courant. Quant aux quatre derniers : Pour TANUKRA , ce mot est formé à partir de la racine KR ou NKR signifiant « réveille » , mais sa morphologie triche le schème nominal dans sa forme fréquente du féminin amazighe (TA-T) comme dans TAZALLIT ( la prière ). Alors que la forme nominale ( TA- U-A),elle laisse voir le degré de recherche et de réajustement au niveau morphologique. Quant aux trois derniers restants, ce sont de purs néologismes, ils sont inventés et intégrés dans l’amazighe moderne .De ce fait , aussi , il faut signaler que les quatres premiers lexèmes sont dénotatifo-explicitifs (significations de surface) , et les quatre derniers sont connotatifs implicitifs ( significations profondes ) voire poétiques.
En matière de lexicographie, la coutume veut qu’on commence par le réinvestissement de l’existant avant de recourir à l’emprunt, en cas d’impossibilité, en recourt à la formation des mots nouveaux. A ce propos, le parler touareg se considère comme un immense gisement, largement, exploitable comme ressources linguistiques. Parmi les néologismes majeurs (standardisés) vu leur fréquence et leur degré de circulation via les modes de communication intra et entre association, nous citons :
AZULL= salut // TAMMIRT =merci // AYYUZ = bien (bravo)// TAMESMUNT ou TIDDUKA = association// TADELSAMT = culturelle // TIWURIWIN = les travaux (activités)// TUSSNA = la connaissance// AMGHNAS = le militant// (…) Ces lexèmes étaient normalisés par l’usage fréquent à travers la communication associative. Puis, ils finissent par être adoptés comme terminologie intégrée dans le vocabulaire de la presse, dans les bulletins d’informations, et, avec l’introduction de l’amazighe à l’école, ils sont acceptés par les apprenants sans la moindre résistance.

LA PRODUCTION NEOLOGIQUE : QUELQUE CORPUS.

La dynamique de l’activité néologique ne date pas d’aujourd’hui, les premières recherches remontaient aux années 70 et 80.Elles étaient inspirées par les travaux effectués par les berberisants surtout, français. TAJERRUMT N TMAZIGHT (la grammaire de Tamazight) et AMAWAL, les deux travaux de Mouloud Mammeri, se considèrent comme une référence incomparable, dont l’auteur fut un pionnier en la matière. Toutes les expériences antérieurs étaient dominées par l’omni manifestation du parler touareg. Mahdi IAZZI , dans son article, explique : « cette situation fait dire à Achab (1996) que le statut du parler touareg dans ce mouvement de création lexicale dans le domaine amazigh rappelle celui du latin et du grec dans le domaine des langues européennes »(5).Ce constat répond , clairement à la question du pourquoi en ce domaine de néologie, les associations au Maroc se sont ouvertes sur la production massive , que ce soit par le kabyles (en Algérie) ou par la diaspora (en Europe) où une représentativité pan amazighe est fort manifeste.
Dans ce cadre, les corpus lexicographiques, qui suivent, laissent évaluer le taux des lexèmes nouveaux que nécessitent de tels travaux.
1- la traduction (en Amazigh) de la déclaration universelle des droits de l’homme, par H.id belkacem (1990)
2- le dictionnaire arabe-amazighe (3vol) de M. Chafik (1990-1998) .
3- TAMAWALT N USGMI (lexique de l’éducation) de B. Belaid (1993).
4- la traduction (en amaz) de ROMEO et JULIETTE par Adgherni, Fouad et Afoulay (1995).
5- TAGHURAST N UREQQAS N RBI ( la biographie du prophéte) de El .Jouhadi (1995).
6- AMAWAL AZERFAN (lexique juridique) par Adgherni, Fouad et Afoulay (1996).
Ces corpus sont cités par IAZZI (6). Ce sont des travaux, d’une importance considérable, ils s’articulent autour de deux points forts :
Primo, ils reflètent l’état paroxysmique de la production lexicographique, secundo, ils étaient encadrés au moment fort où l’action associative touche à son apogée ( la décennie 90).Etant des corpus hétérogènes , ils ont le mérite de couvrir les champs juridiques , éducatifs, littéraire et religieux.Mais, le dictionnaire (3vol) de Mr Chafiq a l’avantage de reproduire, vasteté et profondeur, l’abondance lexicographique, étant une extraordinaire collecte étalée sur la durée de huit ans , elle s’est rendue compte de le diversité lexicale caractérisant l’aire régiolectale sur l’ensemble du nord d’Afrique.
Certes, certains chercheurs universitaires jugent cette production néologique comme étant « volontaristes », « spontanées » et « amateurismes » .Mais, n’empêche que toute une traduction lexicographique était ancrée et adoptée par la masse associative. Depuis, quantité de mots nouveaux, relèvent du lexique spécialisé, émergent pour alimenter, surtout, les domaines de la poésie et de la presse. Le journalisme est, par excellence,le réceptacle le plus immédiat qui accueille les termes, fraîchement, crées. Examinons cet échantillon :
AGHMIS= le journal// INGHMISISEN = les informations// TASGHUNT = revue // TAZWARUT = la une // UTTUN = numéro //ATTIG = le prix.Ou dans :
TASGHUNT TADELSANT N TMAZIGHT = Revue culturelle de Tamazight.
AGHMIS N TWIRIWIN N TMESMUNIN TIDELSANIN TIMAZIGHINI = Bulletin des activités des associations culturelles amazighes.

CORPUS DE LEXIQUE SPECIALISE : LECTURE ET COMMENTAIRE.

Ce petit lexique est extraite d’un imagier (concept/image) conçu comme support didactique pour accompagner l’enseignement / apprentissage de l’amazighe (7).
1-TABANKA = à l’origine cette appellation désigne une sorte de tablier (fonction protectrice) que portaient les fellahs pour moissonner. Donc un terme / existant déjà, mais approprie et réactualisé pour signifier, dans le contexte scolaire, le tablier que porte l’élève. Réemploi par extension.
2- TASLMADT= ce mot est une création nouvelle , formation normal par dérivation à partir de la racine « LMD » ( éduquer), le schème (TA_T) dans l’Amazighe équivaut au genre féminin, donc TASLMADT signifie ( celle qui éduque ) , son masculin est ASLMAD ( l’éducateur) , le préfixe ( A- ) introduit l’acte (celui qui agit) , alors que l’élément (AN- ) donne l’idée du sujet (celui qui subit ), d’où le sens de ANLMAD qui donne dans le contexte scolaire l’élève .Tous ces dérivés , ce sont normalisés pour signifier : l’enseignante et l’élève .
3- TAGHDA = ce lexème nouveau préexistant comme idée, dans le contexte agricole, décrivant un terrain plat (plan) .Il est réapproprié pour combler, métaphoriquement, la signification de règle (outil scolaire).
4-TINMEL : de première vue , la morphologie de ce mot laisse repérer une formation par composition , d’abords l’élément TIN qui s’interprète de deux manières , (a) : cette lexie veut dire celle de , (b) : elle a le sens de sert à ( selon le contexte ).Puis il y’a le radical MEL (l’idée de l’apprentissage) .L’ensemble des deux composants de ce termes donne l’idée de servir à l’apprentissage .Et pourtant ce mot n’est pas néologisme , il était et est toujours en usage au sud , et désigne l’école au sens traditionnel , son emploi réactualisé , aujourd’hui , signifie l’école au sens moderne .
Pour cesser cet exercice d’échantillonnage portant sur la terminologie spécialisée. Voici pour les esprits curieux, quelques unités lexicographiques, relatives au concept de la linguistique :(8).
ILS : langue// TUTLAYT : langage //TASEMNAWALT : linguistique//TAMAWALT : vocabulaire (lexique)//TIFRIT : mot//AMSSAWAD : communication//TASEDDAST : syntaxe //IMYAWAD : communiquer.

NOTES :

1-les cadres associatifs respectifs sont : l’association socioculturelle ASIREM à Rissani (19994-19996) , et l’association TIFSA (printemps) à khémiset (2003-2005).
2-Kratchwil, Gabi : les associations amazighes au Maroc : bilan et perspectives, in Prologues N : 17, 1999, P : 38.
3-Op.cit.P.43.
4-Cit2 par Ennaji, Moha in Standardisation de l’amazighe, série colloques et séminaire N :3 publication IRCAM , Rabat 2004, P :255.
5-Cité par Iazzi El Mehdi, in Prologues N : 27/28, Automne 2003, P :31.
6-Op-cit , P :30.
7-Ces lexemes-échantilons sont extraits de ISKKILN N TIFINAGH, un support didactique conçu par Agnou Fatima, publication del’IRCAM, 2005.
8-Cet inventaire est sélectionné du lexique TAMAWALT N USGMI de Belaid Boudris, éd : 1993.

Article communication lors de la journée d’étude organisée par le groupe VARIALANG le 20 Avril 2006.

Rachid fettah
Laboratoire « langage et société ».
Groupe VARIALANG.
U.F.R : Sociolinguistique appliquée.
Faculté des lettres et sciences humaines.
Université Ibn TOFAIL.
Kenitra.

lundi, septembre 11, 2006

Retour sur une catastrophe - Les Ait Khebbach sous l’eau

Retour sur une catastrophe
Les Ait Khebbach sous l’eau

Moha Arehal

in Le Monde Amazigh Sept 2006


La ou le silence parle

La région de Merzouga est située au pied du majestueux grand Erg Chebbi sur les frontières maroco-algériens au sud est du Maroc. Cette région est connue par ces paysages mythiques constitués d’une alternance de regs, de dunes et d’oasis. Chaque année plusieurs milliers de touristes font le déplacement des quatre coins de la planète et des quatre coins du pays pour apprécier les divers paysages et ou pour prendre des thérapies sableuses contre diverses maladies.

Cette région, qui était dans le passé une terre interdite sous le contrôle des tribus Ait Khebbach fraction des Ait Atta, seigneurs du Sud Est, Jadis, est devenue une terre de tout le monde, une terre d’accueil et de rencontres exemplaires entre diverses nationalités et diverses religions.

Sur 13 km de sable implanté sous forme de dunes et de silhouettes, marié avec des oasis sauvages ou habitées, une centaine de gîtes, d’auberges et de maisons d’hôtes ont été construits pour assurer le minimum de confort pour les amoureux du silence qui parle, de la musique du frottement des grains de sable sous la force du vent. Déjà des siècles et les dunes ne changent de place. Toujours claires et de merveilleuses couleurs les dunes souhaitent la bienvenue à tous les arrivants.

Déjà, avant la construction de la route qui lie Rissani à Taous sur une dizaine de km, les pistes créées par les véhicules tout terrain offrent un paysage extraterrestre avant d’arriver aux dunes d’or de Merzouga. La légende des Ismkhan* raconte qu’elles sont formées suite au mécontentement du Dieu. En effet, les Ismkhan ont organisé un Agdud (festival), après le dîner, les participants sous l’effet de la transe se sont mis à jouer avec les grains du couscous ce qui n’a pas plu à Dieu. Pour les punir, Dieu envoya une tempête très forte qui a couvert tous les participants par le même couscous avec qui ils jouaient. Jusqu’à nos jours il existe des gens qui croient encore que les noirs couverts de couscous que dieu a changé en grain de sable continue à jouer avec leurs tambours et castagnettes sous la grande dune de Lalla L’aliya.

Tous ces atouts en particulier la géographie, la géomorphologie, l’histoire et la médecine traditionnelle ont fait de cette zone une des plus visités par les touristes marocaines et autres.

Le développement du tourisme aux pieds de l’Erg Chebbi a vu naître plusieurs dizaines de gîtes, d’auberges, de petits hôtels et de maisons d’hôtes. Plusieurs amateurs des superbes paysages du désert et la sympathie exemplaire des habitants de cet espace mystiques se sont installés définitivement dans cette aire, d’autres parmi eux ont investi dans des hôtels ou des gîtes.

Et le ciel décida ainsi !!

En mai dernier, alors que la région se préparait pour accueillir les milliers de pèlerins d’été comme d’habitude à partir de la fin du printemps, des pluies torrentielles se sont battues sur la région. En un temps record, le niveau des précipitations a dépassé les 100 mm en une heure. Cette quantité dépassent la moyenne des précipitations annuelles de la région qui ne dépassent guère les 200 mm en une année normale.

L’intensité de ces pluies diluviennes dans un petit laps de temps a fais que les courts d’eau ont commencé à ruisseler rapidement sans laisser de chance au sol pour s’égorger en eau étant déjà sa composition caractérisée par la dominance des sables. Les eaux ont envahi rapidement la plaine en un temps record les eaux ont couvert la chaussé et ont atteint plusieurs maisons.

Plusieurs dizaines de maisons et de gîtes n’ont pas pu résister devant la montée des eaux. Les habitants et les touristes se sont trouvés en plein nuit face à la montée des eaux. Devant la catastrophe chacun a essayé de sauver sa peau comme il a pu. En définitive, les pertes humaines n’ont concerné que trois morts et quelques blessés pas graves, selon des sources officielles. Les pertes matérielles ont été très importantes. Plusieurs maisons ont été détruites définitivement et leurs propriétaires sont devenus des SDF dans une zone ou personne ne l’est malgré le passé nomade de ces populations et leurs revenus minimes, chaque habitant procède sa propre maison.


Et après.....?

Ca fait déjà plusieurs semaines que la région de Merzouga a été victime de pluies torrentielles et des inondations du jamais vu depuis plus d'un demi-sièclee et encore des maisons en ruines et des habitants encore dans des tentes de fortune.Je n'avais pas imaginé cette situation, les images que j'ai vues auparavant, sur Internet, étaient moins parlantes que ma visite dans la région en Août dernier à Hassi Labiad, à Merzouga ou à Lkhamliya. Le climat est encore tendu, les victimes n'ont que des insultes et des prières pour désigner ce qu'ils ont vécu et ce qu'ils vivent actuellement.
Sur la route pour assister au festival des Gnaoua de Lkhamlia, j'ai passé par des paysages hallucinant, comme si des avions F16 avaient bombardé cette région. Les effets des inondations de mai dernier sont encore présentes sur toute la route qui relie Merzouga à Lkhamlia ou se tient le Agdud n Ismkhan. Les images ne laissent plus personne neutre.
A voir ces résultats et le rien-fait depuis déjà plusieurs semaines et à comparer par les réactions des gens au sujet de la guerre isarélo-libanaise et Israélo-palestinienne, je me sens encore plus mal dans ma peau de marocain. Les gens ont du cœur pour solidariser avec les Palestiniens mais aucun mot sur des gens qui s'hébergent dans des tentes de fortune de couleur jaune comme le sable qui les entoure sous une température dépassant les 45°c à l'ombre.
La schizophrénie de mes concitoyens me laisse embarrassé. S’il est légitime d'avoir des sentiments de solidarité avec les autres peuples qui souffrent soit de la guerre ou des catastrophes naturelles ou autres, alors que dirons-nous de solidariser avec les nôtres qui vivent dans l'enfer depuis le début de l'été.
Un dernier mot: sauver cette région devient vraiment une nécessité.

A bon entendeur

* Ismkhan= une tribu de noirs habitant actuellement dans la localité de Lkhamlia et qui organisent chaque année en mois d’août un festival (Agdud)

Tifinagh : Ecriture magique perpétuée par des femmes

Tifinagh : Ecriture magique perpétuée par des femmes

Rachid FETTAH Amedyaz

Le propos : mettre en relief le rapprochement entre tifinagh, écriture inventée par les premiers berbères, en premier lieu, avec les traçages du tatouage, et en deuxième lieu, avec les motifs des tapis. Mais, cette continuité/ survivance de l’alphabet tifinagh à travers le tissage et le tatouage reviennent, par excellence, à la verve créatrice des femmes qui ont su sauvegarder et perpétuer ces formes d’écritures magiques.

Préambule : Aujourd’hui un new-alphabet baptisé Tifinagh-IRCAM a été confectionné pour écrire des mots et des textes en amazigh .un alphabet grâce auquel des élèves apprennent à lire et à écrire dans les classes de l’école publique nationale. Mais, cette percée inaugurée par l’amazighe au sein de l ‘espace scolaire n’est pas suffisante, à elle seule, pour refléter les modalités de réceptions réservées à ce nouveau alphabet au sein de l’espace publique, car quoique adopté officiellement pour faire passer de l’oralité à l’écriture la langue-culture amazighe, le tifinagh-IRCAM vit toujours une situation, sociolinguistiquement, double : une situation de l’amazighe intra-muros et une autre extra-muros.
La première situation se traduit par les actes de la standardisation de cette langue et l’élaboration de son alphabet tifinagh-IRCAM, un travail laborieux et préliminaire pour introduire l’enseignement de l’amazighe dans le système éducatif. La seconde, revers de la médaille, est l’état de vacuité et d’absence d’échos relatifs à tifinagh à travers les supports et les réceptacles linguistiques au sein de l’espace social. Cette dernière situation est conséquente d’un profond malaise psychosocial que déclenche une impression d’étrangeté et de non reconnaissance chez les récepteurs.
Les lignes, qui suivent, vont porter plus d’éclairage sur cet alphabet, et de la même, tenteront de dresser des traits d’union et de rapprochement entre cette ancienne écriture et ces deux formes d’expressions artistiques féminines, à savoir, le tissage (tapis) et le tatouage.Mais au paravent, parcourons les étapes de l’évolution de l’alphabet tifinagh.
Tifinagh : Origine et Evolution :

D’après des recherches en archéologie linguistique, tifinagh est l’une des anciennes formes d’écritures , apparue depuis 25 siècles, c’est l’une des rares écritures qui a résisté face à l’hégémonie de nombreuses écritures supports de grandes civilisations (romaine et byzintine , par exemple ) . La force de cet alphabet réside dans le fait d’être le centre d’une référence identitaire. Alors que sa résistance émane du fait qu’il n’est pas inerte mais accepte l’évolution et le changement. Or, comme la plupart des autres langues, la première forme d’écriture de tifinagh est découverte sous forme d’un inventaire limité de consonnes. Sa propagation et ses contacts avec d’autre langues écrites environnantes comme, surtout le phénicien constituaient un facteur positif pour son amélioration les et sa modernisation. Ce sont les touaregs qui étaient les premiers à perfectionner ce système millénaire d’écriture, et ceci, avant de devenir aujourd’hui ce qui est convenu de nommer le new tifinagh, à ce propos (voir : Belouch. A : l’abc de tifinagh et la question de son enseignement .in prologue n : 27/28 été et automne 2003) .
Mais avant de se stabiliser dans son état actuel , l’alphabet amazigh a du passer par plusieurs versions remaniées dont voici les plus importantes :le saharien ancien , le libyque vertical , le libyque horizontal , l’académie berbère , agraw imazighen , celle de S.Chaker et enfin celle de B.belaid . Ce sont les importants auteurs des différents aménagements portant sur les notations et symboles constituant l’inventaire des graphèmes de l’écriture tifinagh. (Voir tableau in revue tifinagh n : 1 déc. 1993/ jan 1994 .p . 12).
Parenté sémio- sémantique entre tifinagh et tatouage.

Pour contourner le sens de ce rapprochement, puisque le tatouage est une pratique, essentiellement féminine, nous nous appuyons sur un travail, scientifiquement, minutieux d’une autre femme savante. Nous nommons R.Bourqia qui a consacré une partie importante de sa recherche à la population féminine rurale.Notre démarche consiste à lire à travers sa réflexion, qui est consacrée à la pratique du tatouage chez les femmes des tribus Zemmours de l’époque précoloniale (19eme siècle). Or, Comme la plupart des écrits produits autour de cette vieille pratique du tatouage, l’analyse de R.Bourqia puise dans l’héritage théorique que constituait, à ce propos, le lég. de la science coloniale. Alors au sien de cette science dite humaine, les travaux de J. herber représentait une référence d’autorité scientifique pour bon nombre de chercheurs marocains dont A. Khatibi, M. Boughali. En effet, dans son approche, l’auteur de cette réflexion adopte un double point de vue : sociologique et anthropologique, deux disciplines majeures de l’époque. Mais le propre e la singularité de sa réflexion, c’est qu’elle est la seule à considérer, d’une manière franche et claire, que le tatouage est une écriture, par delà la portée ornementale et la dimension esthétique. En effet , pour mieux alimenter ses analyses , l’auteur s’appuyait sur les donnée de la philosophie du langage , car , à son sens , le tatouage est une écriture avec l’acceptation la plus large qu’a cette notion , c à d : « tout système sémiotique visuel et spatial » (cf. . dictionnaire encyclopédique des sciences du langage . p 249 ) . Cette définition est tellement élastique pour qu’elle couvre facilement les traces marquées sur les parties les plus visibles du corps de la femme, les plus exposées à la vue, donc à la lecture et à l’interprétation, d’ou l’importance de la partie faciale du visage, le dos de la main et, à un degré moindre, au niveau des jambes, ce sont là les parties supports du tatouages. Or, ajoute l’auteur, « le corps tatoué est un corps écrit », et cette écriture fait partie, selon J. Kristiva « de ce texte général qui englobe outre la voix, les différents types de productions tels le geste, l’écriture, l’économie » (in. recherche pour une sémantique. p. 4) et à ces types de productions. R. Bourqia insiste pour ajouter les « traces », ces traces de tatouage , d’une couleur entre le vert et le bleu , sont connues dans le parler des femmes Zemmours par ICHERRAD (pluriel de ACHERRID ) , cette dénomination dénote , clairement , l’acte fort de laisser des traces « écrites » . Ainsi , pour continuer sa mise en lumière de l’acte d’écrire, calqué sur l’acte de tatouer , l’auteur considère que le corps est un espace où chacun peut « se lire et se déchiffrer » , alors , la femme de la tribu se tatoue c à d « écrit et s’écrit » dans son corps . Ces fragments d’analyses semblent faire leur bout de chemin pour retrouver la voie royale, le retour vers la source d’où découle l’apparenté et la continuité des signes de tifinagh dans le tatouage, en d’autre termes, le tatouage écriture trouve sa source dans les survivances de tifinagh, conservé comme graphisme de symboles significatifs sur les gravures rupestres et qui ont été transmis et véhiculés via le corps de la femme. Cette dernière thèse , rapprochant entre ces deux systèmes de signes , puise dans les propos de G.Marcy : « toujours dans le même ordre de considération relatif à l’origine purement technique des variantes tifinagh pointillés,on peut encore citer le cas parallèle des tatouages faciaux portés par les femmes berbères »( in .Introduction à une déchiffrement méthodique des inscriptions Tifinagh du Sahara central .Hespérides vol 24.1973.p.103) Inintentiennellement, mis en évidence dans cette citation, le qualificatif « berbère » laisser, explicitement ,délimiter l’aire, géographique et socioculturelle, où cette pratique du tatouage est omni- manifeste,cette constatation est , nettement ,mise en relief par R.Bourqia qui souligne que « le Tatouage est lié au phénomène tribal ,rarement ,pratiqué dans les villes ».
Pour cesser ce creusement dans cette réflexion , il faut dire que le tatouage , comme marque socioculturel relevant d’un langage oralisé , et Tifinagh , comme écriture alphabétique , devraient imprégnés ce corps espace,/ ce corps mémoire , qui est la femme , pour conserver l’héritage ancestral (valeurs et littérature orales ) .


Les motifs des tapis comme continuum de Tifinagh écriture.

Si, à propos du tatouage, la réflexion de R. Bourqia offre des éclairages pertinents comme regard interne, la manifestation de Tifinagh sous forme des motifs des tapis va faire l’objet d’un regard externe, celui adopté par Francis Ramirez et Christian Rollot qui, dans leur ouvrage : « Tapis et Tissage au Maroc : une écriture du silence », présentent l’art de tisser, en le soulignant, comme une écriture au sens sémantique et esthétique.
Ce travail, laborieux et riche en détails, fait du tapis une œuvre- incarnation du génie féminin, un réceptacle de signes, de formes et de figures transposant l’imagination créatrice des tisseuses. Un imaginaire qu’elles transmissent et communiquent aux autres, pour les deux auteurs « quand une femme tisse un tapis elle ne le fait pas uniquement pour l’usage. C’est comme une lettre qui sort de sa main et qui sera lue par d’autres familles. ».Par procédé d’association de mots , cette citation laisse comprendre que , pour les auteurs , le tissage signifie l’acte d’écrire et le tapis devient une lettre à émise à l’intention des autres .
Abstraction faite à la matière et à la couleur, ici, l’accent est mis sur la symbolique via laquelle la femme émet des messages chargés de fragments d’une interminable narration monologique , en nouant les fils et en combinant les couleurs , elle transcrit de longs passages extraits de sa secrète autobiographie . Quant à A-Khatabi, il « compare le tapis à une carte représentant le désir et la volition que voile l’instinct des couleurs et la géométrie des nœuds à travers notre inconscience et nos rêves » (pris et traduit in la revue Attaqafa Attunusia. N. 66 .1993 .p .65) , cette comparaison psychanalytique adoptée par l’auteur de la mémoire tatouée éclaire les zones sombres dans la relation de la tisseuses à son œuvre, dans un univers de désir, de douleur et de joie. Dans le chapitre « le tapis et les femmes », les auteurs de « tapis et tissage au Maroc … » soulignent qu’entre une tisseuse et son ouvrage, il s’instaure une relation étroite et privilégié, pour eux : « la femme met dans son tapis quelque chose d’elle-même, le tapis devient chasse et reliquaire (p .115).
Alors que Khatibi, analysant sous l’ongle de vision sémioticienne, trouve que le tapis offre à la lecture un corpus de motifs dotés de sens et de signifiance, il explicite : « c’est un espace où se manifeste les signes appartenant à l’écriture ancienne tifinagh (op. cité.p.68) la thématique de l’apparenté de tifinagh et l’art du tissage n’est pas une découverte récente, mais elle a été évoquée par bon nombre de chercheurs, surtout ceux qui réservent une écoute permanente aux différentes formes d’expression et de création dans le domaine amazighes. Dans ce vaste champ M. chafiq fait figure d’autorité intellectuelle et académique, dans son article ’’le substrat berbère’’ il écrit que ’’la culture berbère est représenté par un art décoratif qui apparaît particulièrement, dans le tapis et la céramique, sous forme de dessins géométrique excluant l’arabesque mais reprenant le caractère de l’alphabet tifinagh (p.113). La géométrie des formes et dessins soulignée, dans ce dernier propos, est à elle seule un argument solide de la profonde apparenté entre ces deux modes d’écriture. Tout un inventaire de figures géométriques, analogiques et abstraites, circulant de tapis en tapis, tantôt, des formes tels des scorpions, des serpents, des oiseaux ou même des maisons … tantôt des losanges, des triangles, des damiers, des étoiles (à 8 branches) ou lignes droites ou brisées, des quadrillages etc..
Péroraison : ça sera redondant d’insister sur l’importance du rôle de la femme dans la préservation de l’écriture tifinagh, surtout les femmes rurales dites timazighines, car c’est grâce à elles que la culture a été conservée, grâce à leur stabilité, elles ont pu conserver l’idiome de la langue. « Le tatouage faciale est les motifs au henné, les figures géométriques dans les tissages, les tapis, les broderies, les bijoux témoignent de leur savoir de l’écriture’’ ( in la revue tifinagh N°1 déc. 1993/jan.1994).
Bibliographie.
* J.KRISTIVA : recherche pour une sémantique, Paris, seuil1969.p.4
* F.Ramirez et Ch.Rollot : Tapis et tissage au Maroc « une écriture du silence » ARC
Édition 1995.
* J.Herber « tatouage de la face chez la marocaine »Héspéris vol 33. 1964
* Chafiq .Med . « Le substrat berbère de la culture marocaine…. »
* Belouch.abder. « L’abc tifinagh et la question de son enseignement in Prologues N :
27/28 été et automne 2003.
*Bourqia .R : réflexion sur le tatouage dans les tribus zemmours….
* Boughali. Med : Espace d’écriture au Maroc Edition Afrique orient 1987
* Revue Amazigh N : 1 - 1980.
* Revue Tifinagh N : 1 Déc. 1993/ Jan 1994

Rachid Fettah
UFR « langage et société »
Groupe CLIO
Sociolinguistique appliquée
Faculté des lettres et des sciences humaines
Université Ibn TOFAIL
Kenitra

Message Nostalgique

Aujourd'hui, j'ai reçu un email sympa d'un ami, cet email étant si nostalgique que j'ai préféré le partager avec les miens surtout avec qui j'ai partagé une période de bons et merveilleux souvenirs à l'Association Asirem désormais absente.

ce message m'est parvenu d'un ami et m'a fait repenser à cette période de rennaissance de l'amazighité dans la région de tafilalet.

voici le message:

cher arehal azull;

les années sont tellement loins suite au temps qui passe, mais , par moment , des souvenirs jaillissent pour ravivier ma mémoire , et je pensais aux militants sans frontière d'Assirem, tous ces adhérents ivres de cette conscience fraichement prise qui puisait dans les eaux vives de l'amazighité. Tes écrits vifs et tes messages bien ciblés me font penser aux discussions nocturne au sein du cercle des militants en herbe que nous étions, bouba, anaruz,amghar,l'hou,arehal,amdyaz et les autres. Aujourd'hui chacun a pris son propre sentier , que reste-il de cette flamme assiremienne? et tes articles ont-ils trouvé le bon entendeur?

Rachid Amedyaz