mardi, février 07, 2006

Histoire du Mouvement Amazigh au Maroc 3

Histoire du Mouvement Amazigh au Maroc
Imazighen après l’instauration de l’Etat Nation 3 *

Moha Arehal


Dans cette partie, nous allons nous intéresser exactement à l’amazighité en ce début du 21ème siècle, en particulier suite aux changements qu’a connu notre pays, à commencer par l’arrivée du nouveau souverain et par la tentative du pays à ce réconcilier avec son passé. Nous traiterons aussi des signes du début de la récupération de l’amazigh et de la makhzanisation de plusieurs militants.


Al ‘Ahd Al Jadid

Depuis 1997, date de l’échec de la conférence de Maâmoura suite aux différents des « leader» - les plus anciens présidents du Monde avec Castro de Cuba- le mouvement amazigh est rentré dans une dormance sans préavis. A part des activités singulières de quelques associations, l’activité de coordination, au niveau national qu’au niveau international, s’est presque éteinte.

En 1999, le roi Hassan II s’est éteint après plus de 38 ans de règne. Toute la classe politique s’attendait à un changement dans le fonctionnement de la monarchie, chose déjà entamée par Hassan II de son vivant par l’instauration d’un gouvernement dit de l’alternance et d’autre instance en vue de clore la page des années de plomb.

Même si Hassan II, dans son premier discours relatif à l’amazighité en 1994, a avancé que l’amazighité sera introduite dans l’école publique, elle n’en est rien jusqu’à sa mort en 1999. Des militants « amazigh », constatant le statu quo qui sévi depuis le premier congrès mondial amazigh qui a eu lieu à Tafira, ont décidé de sortir avec un document pour re-dynamiser l’action amazigh au Maroc. Le texte a été baptisé « Manifeste Amazigh ». D’autres se sont penchés sur une autre forme de militantisme « les groupes d’action amazigh ».

Les Groupes d’Action Amazigh

Constatant le statut quo qui sévissait au sein du mouvement amazigh, un groupe de quatre militants amazigh, principalement des mécontents de la manière dont elle était gérée l’association dont ils étaient actifs, ou le président prends des décisions tout seul sans se référer aux instances de l’Association et en particulier l’utilisation de cette association par des membres comme un moyen pour avoir un visa pour l’Europe, ont décidé de geler leur activité au sein de cette association et créer les Groupes d’Action Amazigh (GAA).

Les quatre militants avec un cinquième, ont établi une plate-forme de travail basée sur la concrétisation des actions sur le terrain. Ce document a été largement débattu par ce groupe et a été adopté comme référence pour les groupes d’actions amazigh.

La stratégie de ces groupes consiste en la création d’un ou plusieurs groupes dans chacune des régions du pays. Chaque groupe travaille de façon indépendante sur un plan d’action qu’il fixe lui-même.

L’organisation de la manifestation de 12 mars 2000 relative à la marche mondiale des femmes et la manifestation du premier mai de la même année constituent le commencement du travail du Groupe d’Action Amazigh de Rabat.

Après la réussite du travail entrepris par le GAA de Rabat, d’autres groupes ont pu être crées à Nador, Maknès, Marrakech et Agadir. Ces groupes avec leurs actions pointues et précises ont pu redonner au mouvement amazigh son dynamisme d’entant.

Paradoxalement, les GAA ont été les premières victimes de leur réussite. En fait des soit disant « membres » auto-déclarés des GAA sans pour autant être des fondateurs des GAA ont essayé à maintes reprises d’utiliser le caractère informel des GAA pour faire passer des positions douteuses ou même d’user des GAA comme un cheval de Troie pour organiser une manifestation en faveur de l’IRCAM. Cette tentative a été combattue par les membres du GAA de Rabat qui d’ailleurs ont décidé depuis la troisième rencontre des signataires du Manifeste de ne jamais cautionnés cette institution. Plus ils ont sorti un communiqué à l’occasion de cette rencontre, dans lequel ils déclarent ne pas être concernés par toute institution qui ne répond pas aux revendications légitimes du mouvement et refusant toute tentative de récupération de la cause amazigh.

Malgré ces comportements douteux, les militants des GAA ont continué à organiser chaque année la manifestation du premier mai qui est devenue désormais un rendez-vous annuel dans les grandes artères des grandes villes du pays.


Le Manifeste Amazigh

Le 1er mars de l’année 2000, quelques mois seulement après la mort de Hassan II et après l’envoi de Abdessalam Yassine d’une lettre au nouveau Roi, lui demandant comme il a fait avec son père de reprendre le chemin de l’islam et qui lui a coûté la résidence forcée à Salé pour plusieurs années, un académicien de Dar Al Makhzen, en l’occurrence Mohamed Chafik a rédigé un document composé de deux parties principales. La première partie dresse un aperçu historique de la relation entre les Imazighen et le Makhzen et la deuxième partie a été consacrée aux revendications jugées par le rédacteur du manifeste comme essentielles pour la reconnaissance de l’amazighité du Maroc.

Malgré que certaines sources ont avancé que le manifeste est l’œuvre de six militants de l’association Assid de Meknès, qui constituaient ce qu’on appelait dans les annales du mouvement « le groupe de TIFAWT », ont chargé l’un d’eux (Mohamed Chafik) de la rédaction finale du Manifeste, la lecture du texte et même son intitulé font ressortir que son auteur n’est d’autre que Mohamed Chafik en personne. (Lire le texte de Bounfour sur Tamazgha.fr).

Le 12 mars 2000, à l’occasion de la marche mondiale des femmes qui a eu lieu à Rabat, plusieurs militants et militantes amazigh ont, avec plusieurs centaines de milliers de personnes, manifesté sous le thème : " Nous partageons la terre, partageons ses biens ". Vers la fin de la marche, plusieurs militantes et militants ont signé ce texte. A les voir échangé ce texte, on croyait que c’était une chose illicite qui se vendaient au dessous des tables.

Le texte du manifeste, destiné selon des proches de Chafik au gouvernement, particulièrement au Premier Ministre s’est trouvé acheminé à « l’insu » des premiers signataires au Palais via le canal du porte-parole du Palais. Premier différent entre les signataires !

Les premiers signataires du manifeste ont désigné un petit comité de quatre personnes, trois d’entre eux seront sélectionnés pour siéger au Conseil d’Administration de l’IRCAM ultérieurement, pour préparer la première rencontre des signataires du Manifeste Amazigh. La date de 21 mai 2000 a été fixé pour la tenue de cette première assemblée. Pour assurer une bonne organisation de cette rencontre, un comité d’organisation a été instauré sous l’égide du comité des quatre.

La première rencontre des signataires

Le premier différent, passé sans problème, les signataires se sont données rendez-vous à Bouznika le 21 Mai 2000 pour discuter du devenir du Manifeste et des utilisations futures de ce document.

A Bouznika, plus d’une centaine de personnes se sont présentés pour participer à cette rencontre. Le premier ordre du jour préparé par le comité des quatre consistait en un seul point : création d’une partie politique. Une fois remis au comité d’organisation, celui-ci l’a refusé catégoriquement. Après discussion, les deux comités se sont mis d’accord pour ne pas présenter l’ordre du jour préparé par le premier comité et laisser le soin aux congressistes d’établir un nouvel ordre du jour pour cette rencontre.

Au commencement de la réunion, les opinions exprimées par les uns et les autres ont été très variés voir contradictoires. Les présents, pour la plupart des nouveaux qui cherchent une place dans le mouvement, ou qui sont parachutés pour mettre les battons dans ses roues.

Les participants se sont disputés sur lequel des scénarii est le mieux à adopter pour la question amazigh au Maroc: Est-il judicieux de créer un parti politique ? N’est-il pas mieux de monter une Association à caractère politique ? Ou plutôt pourquoi pas une Association à caractère culturelle qui rassemble tous les signataires?

Après des discussions-disputes, les congressistes ne sont pas arrivés à un consensus sur un des trois scénarii proposés, alors ils ont décidé de constituer une commission de 15 membres (5 membres par région) dans le but de sensibiliser l'opinion publique, poursuivre la collecte des signatures de soutien au manifeste et préparer une la deuxième rencontre.

Le deuxième rencontre : la bavure

Pendant toute l’année 2000, les 15 membres du Comité du Manifeste élus lors de la première rencontre des signataires, ont fais des tournées partout dans le pays pour répondre au plan de charge qui leur a été fixé par les participants.

La veille de la réunion, le comité préparatoire constitué par le comité du Manifeste Amazigh a appris l’interdiction verbale de la tenue de la rencontre, sans le dire aux centaines de participants qui ont déjà été en route pour Bouznika ni d’ailleurs aux autres membres constituant le Comité du Manifeste. Le jour de la réunion, Bouznika s’est transformée en une zone militaire. Les participants qui ont pu arriver sur les lieux ont été surpris de la masse de gendarmes et de forces auxiliaires dépêchés sur les lieux par le ministère de l’Intérieur. Les autres participants ont été bloqués par les gendarmes sur les différents axes routiers qui mènent au complexe de Bouznika.

Après plusieurs heures de discussion avec les gendarmes et les autorités de Bouznika, le Qaid de cette localité s’est dépêché dans son bureau et a établi un papier relatif à l’interdiction de la rencontre. Les responsables de la gendarmerie et des autorités ont menacé les présents d’une intervention des forces de l’ordre s’ils ne quittèrent pas les lieux.

Une cinquantaine de signataires s'est réunie dans la forêt, située entre le complexe ou devait se tenir la rencontre et le centre ville de Bouznika pour discuter ce qu’ils devaient faire. Un des présents, a demandé au coordinateur du comité organisateur de distribuer les dossiers en plein air, ce qui a été refusé par le coordinateur.

Une heure après, alors que les militants présents ont commencé le débat, le rédacteur du Manifeste, est venu rendre visite aux prisonniers de Bouznika. Sans prendre la peine de descendre de sa voiture, il propose aux mécontents de le rejoindre chez lui, dans sa villa, pour tenir la rencontre.

La villa de Chafik, étant non connue par tous les présents à Bouznika, seulement quelques dizaines ont pu le rejoindre. Arrivés chez Chafik, les signataires présents ont pu, après un grand débat stérile, de réélire un nouveau comité du manifeste, pour continuer le travail de collecte et préparer la prochaine suivante, qui devrait trancher sur le choix de la structure à mettre en place par les signataires, chose qui ne se fera pas du fait de l’intervention du Roi par un discours en faveur de l’amazighité au Maroc.

Dans la dernière partie, nous parlerons sur la période allant de la création de l’IRCAM à nos jours

A suivre….

* publié dans le Monde Amazigh du mois de fevrier 2006

NB: les deux textes en rouge ont été jugés trop direct par l'éditeur du journal qu'il les a supprimé de l'article publié dont acte. M.A.

mercredi, février 01, 2006

La poudre d'intelligence de Kateb Yacine


La poudre d'intelligence
Kateb Yacine
Seuil, 1959



Avec une ironie délicieuse, Kateb Yacine gratifie les représentants des autorités civiles et religieuses d'un portrait dévastateur : dans La poudre d'intelligence, sultan, mufti et ulémas ne sont que des sots. Il suffit que survienne un esprit libre, un penseur insaisissable opportunément dénommé Nuage de fumée, pour que tous soient ridiculisés. Dans cette pièce de théâtre en un acte, la moquerie vise autant leur obscurantisme insondable que l'éternelle collusion d'intérêts entre les puissants et les professionnels de la religion : "Le sultan : [...] Dieu seul peut nous aider. Dieu préserve notre peuple. Dieu préserve notre peuple des éternels agitateurs. Dieu nous préserve des têtes dures, des philosophes, des poètes, des orateurs, des fous et des savants." L'idée de dieu a toujours été, dans toutes les religions, un formidable outil pour calmer le peuple et le dissuader d'espérer une vie meilleure.
Fort de sa liberté, Nuage de fumée montre une audace vivifiante. Faut-il invoquer Dieu trois fois comme l'impose l'islam ? Il use sans détour d'une formule particulièrement expéditive : "O mon Dieu, trois fois !" Sacrilège ! Pire, Dieu ne fréquente pas la mosquée ("O mon Dieu, excuse-moi si je t'implore dans la rue mais je ne t'ai pas trouvé à la mosquée"), le sultan est un âne ("Tu es privé des trois choses qui font le bonheur des hommes, grands ou petits : l'intelligence, l'or et l'amour."), les ulémas des charlatans ("Le Policier : Circulez ! Circulez ! Vous savez bien que nos Ulémas ont interdit le maraboutisme. Nuage de Fumée : ... Pour en avoir le monopole."), la rupture du jeûne pendant le Ramadan est cause d'une bagarre et le mois sacré sert l'exploitation de la crédulité humaine.
Les fanatiques rivés à l'adoration aveugle du concept de dieu, et aplatis devant tout ce à quoi est attaché le mot islam, ne goûteront pas La poudre d'intelligence. Kateb Yacine, avec une verve et une impertinence qui évoquent Omar Khayyam, livre un feu d'artifice inouï et arrange les imposteurs de bien belle façon.
Janvier 2006