vendredi, mars 11, 2011

Le sud-est et la hogra !

Le sud-est et la hogra !
Qu’avons-nous fais pour mériter ça ?


Par Moha Arehal

En hommage à mon ami Feu Nba, un grand homme qui a chanté le Sud Est

Préambule

« Sahraoui » « Amazigh du sud est » une fois vous vous définissez de cette façon c’est surement que vous allez entendre une phrase ou une expression de la sorte de « agharass agharass », « lah i3emrha dar ». Une fois sur la route n° 13 liant le Sud-Est à Meknès, j’ai pris avec moi un policier qui faisait l’autostop pour rejoindre Errachidia pour le travail. En discutant sur les gens du Sud-Est, ils n’en comptent pas parmi les cadres supérieurs de l’Etat pour mon ami de la route. Eux, ajoute-t-il, sont soit des immigrés à l’intérieur du Maroc dans les grandes villes (construction ou creuseurs de puits en général) ou dans des petites fonctions comme soldats aux frontières soit à l’étranger, où ils sont présents dans la plupart des pays d’accueil. Mon accompagnant, comme plusieurs autres, reconnaissent les qualités de ces braves gens qui font d’eux partout où ils se trouvaient des hommes de confiance.

Ce n’est qu’un témoignage d’un simple citoyen de ce pays, qui a eu une occasion de rencontrer un émigré du Sud Est en vacances.

Cette image mythique des gens du Sud Est, n’est toujours pas aussi belle et brillante, il est plutôt dramatique et sombre que la situation du développement économique, social et culturel dans cette région. La situation que vie la plupart des localités et villes de la région du Sud-Est ne peut être mieux élucidé que par le nombre d’émigrés qu’ils comptent. En effet, les statistiques montrent bien que cette zone ne pouvait survivre, si ce n’est grâce aux transferts d’argent de ses émigrés éparpillés partout dans le monde et dans les autres régions du Maroc.

Situation administrative et géographie

La région de Sud-est est constitué selon le découpage administratif de plusieurs provinces, notamment : Figuig, Errachidia, Tinghir, Midelt, Zogara et Ouarzazate et bien sure une partie de la province de Azilal. La région est caractérisé par un climat allant de l’humide au niveau des montagnes du Haut Atlas au climat aride au niveau des frontières avec l’Algérie. De point de vue démographique, la région compte une mosaïque ethnique, tel un puzzle bien agencé ou toute composante trouve sa place et vie en harmonie et en paix avec les autres.

Ces provinces qui partagent le territoire du Sud Est ont été réparties sur trois régions différentes de tous les points de vues Figuig est annexé à la région de l’oriental, Errachidia et Midelt à la Région de Meknès-Tafilalet et Ourzazate, Tinghir et Zagora à la région du Souss-Massa-Draâ.

Dans l’optique ou on considère le champ naturel du déplacement historique des nomades du Sud Est, la province d’Azilal comporte une grande position faisant partie du territoire du Sud Est et qui dépend de la Région de Tadla Azilal.

Cette répartition du territoire du Sud Est, malgré qu’elle réponde à un besoin de l’Etat moderne axé sur la régionalisation pour faciliter l’accès aux services publics modernes, n’a pas été de l’avis de la population du Sud Est appartenant aux mêmes systèmes tribal. L’application de ce nouveau découpage a fait que des villages se sont trouvés séparés de leur environnement social et politique naturel pour en dépendre d’un autre. C’est le cas, suite à la création de la nouvelle province de Tinghir, des habitants de Alnif ou même de Assoul, dépendant depuis toujours de Tafilalet et de Rich respectivement qui se trouvent actuellement dépendant d’Agadir.

Cette situation ne fait que compliquer la vie des populations qui se trouvent obliger de se déplacer des centaines de Kilomètres pour réaliser leurs affaires administratives, de santé, ou d’enseignement et de justice, sans oublier la nouvelle situation qui les fait dépendant des instances élues d’une région que celle dont elles dépendaient depuis toujours.

Une terre de lutte depuis toujours

Le Sud-Est était toujours une terre de lutte depuis l’aube du temps. Les guerriers du Sud-Est ont toujours donnés des leçons aux conquérants, qu’ils soient des autres régions ou des ennemies étrangers. Cette région a été de toutes les convoitises de toutes les dynasties qui ont gouvernés le Maroc et à chaque fois la région a observé une grande résistance aux conquérants pour garder son indépendance.

Au début du vingtième siècle, la région a été, comme toute l’Afrique du Nord, touchée par le phénomène de la pacification ou plutôt de la colonisation, donné en concession par les pouvoirs centraux aux troupes français en contrepartie d’intérêts économiques et financiers pour la France et ses troupes de collons. Personne ne niera la bravoure des guerriers et des habitants - hommes et femmes - dans la lutte armée contre l’occupation de la région par les troupes françaises. Les troupes françaises, armés jusqu’aux dents n’ont rien pu faire contre les guerriers du Sud-Est soit à Bougafer ou à Badou ou même en Algérie à Timimoun.

Malgré les sacrifices des habitants de cette région comme Assu u Basslam, Djou Moh, Zaid u Hmad, Addi u Bihi ou Abbas Mssaadi dont les raisons de son assassinat ne sont pas encore élucidées, ou Boujemâa Hebbaz, reconnu par le CCDH comme un kidnappé des années de plomb, dont le sort n’est pas encore connu. Cette région reste encore des dernières priorités du gouvernement après plus de 50 ans de l’indépendance de notre pays.

Durant un demi-siècle, cette région a été victime d’une marginalisation et une exclusion parfaite. Elle était et reste encore une région disciplinaire pour tous les secteurs de la fonction publique. Quelqu’un qui dérange, est automatiquement envoyé dans cette région pour des raisons disciplinaires. Par ailleurs, la région est connue pour ces bagnes secrets du pouvoir. Agdèz et Tazmamart, entre autres termes, résonnent bien partout et démontrent de la cruauté des acteurs des atteintes aux droits humains au Maroc. Les habitants de Figuig, Errachidia, Ouarzazate et Zagora ont été les premiers à souffrir de l’existence de ces prisons secrets.

Déjà, juste après l’indépendance et suite aux événements qui ont accompagné le refus de Addi U Bihi de l’instauration de nouveaux tribunaux liés au pourvoir central en remplacement des tribunaux sous contrôle tribal, plusieurs participants de ce mouvement ont été arrêtés et jugés. En 1973, la majorité des militants qui ont participés aux événements de Dar Bouazza, orchestrés par les dinosaures de l’UNFP devenus par opérations césarienne l’USFP en 1975, étaient en majorité originaires de la région du Sud Est. On en compte plusieurs disparus et des dizaines d’exilés.

Au début des années 80, une vingtaine de personnes ont été arrêtés à Goulmima et poursuivies et torturés pour des accusations basées sur des témoignages de Mokaddem et de parole du « radio arabe » dans la région. Plusieurs d’entre eux soufrent encore de séquelles soient physiques ou psychologiques, aucun d’eux n’est sorti indemne de cette épreuve.

La marginalisation orchestrée envers cette région constitue la principale raison des vagues d’immigrations qu’a connues cette région. Il suffit de faire une visite sur l’un des chantiers dans n’importe quelle ville du pays pour se rendre à l’évidence que la plupart des ouvriers sont originaire du sud-est. Les chantiers de Nador, Oujda, Casa, Rabat, Tanger ou Agadir sont là pour prouver ça à qui veut l’entendre. Cette situation nous rappelle encore le drame de l’immigration de masse de plusieurs milliers d’habitants de Tafilalet vers Meknès et Fès dans les années 30, sauf que celle-là a été causée par les méfaits d’une longue période de sècheresse.

Les anciens chanceux bacheliers de la région étaient obligés jusqu’au début des années 2000 à s’exiler dans les grandes villes pour continuer leurs études. Devant le nombre grandissant du nombre des étudiants issus de ces contrés, les responsables du pays ont doté la région de deux facultés à Errachidia et à Ouarzazate.

Le rapport sur la pauvreté au Maroc, produit par le gouvernement, -pas par des ONG internationaux- place cette région parmi les plus pauvres, une commune sur la frontière algéro-marocaine est d’ailleurs « primée » comme la commune la plus pauvre de tout le Maroc. Normalement un plan d’action devait être établi pour développer toutes les communes déclarées comme les plus pauvres du Maroc. Les grands chantiers du pays se sont installés encore une fois dans les villes du Maroc dit utile. Les autres régions n’ont eu que de petits projets dans le cadre de l’INDH, mais pas de projets structurants produisant une vraie valeur ajoutée pour la région et pour la nation.

Et de nos jours ?

2007, petit village de Tilmi, une vidéo de la marche conduite par des femmes et des jeunes contre la tenue des élections a fait le tour des sites web, sans trouver d’échos ni dans les télévisions nationaux ni dans les journaux en centaine dans ce pays. Les revendications sont clairs : à quoi bon de voter si rien ne s’est fait depuis plus de 50 ans d’indépendance et rien se fera. Participer ou non donne le même résultat.

Depuis cette même année, les enfants du sud-est poussés à l’exil pour faire des études, la seule chose qu’ils savent faire depuis des générations pour accéder à l’ascenseur social, ont été la cible des milices des résidus du panarabisme dans les facultés d’Agadir, Marrakech, Meknès et Errachidia. Plusieurs étudiants ont été agressés mainte fois sans que les autorités interviennent pour les protéger contre ces intrus dans notre pays. Le résultat est connu de tous, aucun des adeptes de l’idéologie sanguinaire panarabisme n’a été poursuivi devant la justice, seuls les militants amazigh ont payé le prix cher. Deux d’entre eux sont encore incarcérés dans la prison de Toulal à Meknès.

Les manifestations organisées un peu partout dans la région et les marches organisées par les habitants vers les chefs lieu de provinces n’ont pas servi à quelques choses à part des promesses qui ne sont jamais tenues ni par les « élus » ni par les autorités. Les routes du Sud à part les grands axes (routes nationales) sont dans des états lamentables et dans leur grande partie impraticable. Les écoles, les hôpitaux, de leurs nombres très limités, ne répondent à aucun critère international. Les institutions culturelles, alors, rien à dire, simplement elles n’existent même pas.

Que faire en conclusion

Le sud-est a, le long de son histoire servi ce pays soit pas ses richesses minières, exploitées par Manajem sans retour sur la région, par ses productions agricoles (palmier, rosier, henné,…) et principalement par sa matière grise. Les cadres du sud-est sont omniprésents dans les différents secteurs de l’économie et de l’administration marocaine, même si leur présence dans les postes clés est très limitée.

L’Etat doit, entre autres, réhabiliter la région, les programmes identifiés dans le cadre de la réparation communautaires restent très insuffisants pour une réhabilitation de la région et de ses Hommes. La région a besoin de projets structurants pour une économie forte permettant aux habitants de vivre dignement dans leur région. Il est inconcevable que plusieurs cadres disposent de diplômes de haut niveau se trouvent obligés de chercher du travail à l’étranger ou dans les grandes villes, alors que le sud-est en a le plus besoin.

Le sud-est doit être considéré comme une zone sinistré par les méfaits de la marginalisation qui a duré plus de 50 ans et de ce fait un programme de construction doit être mis en œuvre. Ce programme devra être intégré et concernera tous les composantes socioéconomiques à savoir premièrement, l’instauration d’un tissu économique permettant à la zone de dépasser son état alarmant de pauvreté, deuxièmement, la construction des établissements de santé et des écoles. La région doit aussi disposer de l’infrastructure de télécommunication et couverte des ondes FM. Il est vraiment désolant de constater qu’en 2011, les habitants du sud-est ne peuvent encore pas recevoir les nouvelles chaines de radio sur la bande FM.

La mise en œuvre de ces recommandations et d’autres actions s’avèrent nécessaires si l’Etat dispose d’une bonne volonté pour rompre avec la phase ou cette zone était considérée comme le Maroc inutile. Il est temps que cette région reçoive sa part de la richesse de ce pays. Il est temps que les habitants du sud est soient considérés comme des marocains à part entière.

A Bon entendeur


NB article paru dans le journal Le Monde Amzigh du mois de mars 2011